Les problèmes d’alcool au féminin sont longtemps restés tabous. Mais selon de récentes découvertes, leur fréquence et leurs dangers seraient largement sous-estimés. A la dépendance, aux violences et aux atteintes du foie s’ajoute désormais une augmentation du risque de cancer du sein.

On estime qu’en France, 20 % des hommes et un peu plus de 7 % des femmes de 12 à 75 ans consomme une boisson alcoolisée tous les jours de l’année. Mais c’est le samedi que sont bues les plus grandes quantités d’alcool. Ces différences de comportement sont surtout marquées chez les jeunes générations. Un phénomène dangereux qui a le désavantage d’être difficilement détectable…
L’alcool au féminin : un problème sous-estimé ?
Selon les données de l’institut national de prévention et de l’éducation en santé, on estime que près de 14 % de la population masculine aurait une consommation à risque et ainsi, une possibilité de dépendance à l’alcool. Les femmes ne seraient que 5 % à être concernées. Mais trop souvent, la détection de ces personnes s’avère extrêmement délicat en cabinet. Ainsi les programmes de dépistage de ces comportements à risque se heurtent aux mêmes écueils : le patient est rarement demandeur, les symptômes ne sont pas évidents, ce patient va demander du temps… En dehors de l’alcoolique violent qui cultive les moments d’ivresse, le diagnostic, et donc la prise en charge, restent difficiles.
Selon une étude américaine, le problème serait encore plus épineux pour les femmes. L’équipe de Penny Nichol de l’Université du Minnesota a montré qu’en cas de problème avec l’alcool, les hommes et les femmes présentaient des symptômes différents. Par exemple, les hommes rapportent plus souvent des ivresses, des rixes ou la nécessité d’augmenter leur consommation pour être ivres, alors que les femmes se sentent plus souvent déprimées ou coupables de leur consommation. Selon les chercheurs, ces différences sont telles que les problèmes féminins ne seraient pas détectés par les médecins… et resteraient sous-estimés et non-traités. Ils appellent ainsi de leurs voeux la mise au point d’un outil de dépistage spécifique aux femmes.
Binge-drinking et cancer : des liens confirmés
Dans les pays anglo-saxons et plus récemment en France, le “binge-drinking“ est en augmentation. Cette notion représente une consommation en une seule occasion de 5 verres ou plus pour les hommes et de 4 verres ou plus pour les femmes. D’autres préfèrent la définir comme une consommation frénétique motivé par la recherche intentionnelle et organisée d’ivresse.
Ces “cuites“ n’exposent pas aux mêmes menaces que la consommation régulière : perte de contrôle, comportements violents et impulsifs, accidents de la route ou de sport, victime de manipulations, de violences physiques, morales ou sexuelles… Sur le long terme, on pense que ces excès ponctuels pourraient favoriser l’accoutumance. Mais des chercheurs danois viennent d’identifier formellement un autre danger jusqu’alors suspecté… En suivant plus de 17 000 infirmières entre 1993 et 2001, ils ont montré que le risque de cancer du sein est plus que doublé chez celle qui boivent 22 à 27 verres d’alcool par semaine en comparaison avec celles qui ne boivent qu’un à trois verres sur la même période. Ce risque est encore plus important lorsque la consommation d’alcool se fait sur une courte période, comme pour le “binge-drinking“ !
A l’origine de ce phénomène, l’alcool entraînerait des augmentations d’estrogènes, des hormones associées au développement du cancer du sein. Une consommation excessive ponctuelle aurait pour conséquence des pics hormonaux encore plus délétères.
Violences, comportements à risque, cancer du sein… L’alcool cause également plus souvent chez les femmes des hépatites alcooliques, des polynévrites (atteinte des nerfs des membres inférieurs), des complications neurologiques… Face à ce problème de santé publique associé à 45 000 décès par an en France, notre pays se donne-t-il réellement les moyens de réagir ? Des chercheurs du New York Medical College ont mis au point un indice capable d’évaluer les politiques de lutte contre l’alcoolisme au niveau national en prenant en compte des mesures comme les restrictions de vente aux mineurs, l’environnement de la consommation, les prix, la publicité ou les contrôles de l’alcoolémie au volant4… Alors que la Norvège est en tête, la France se classe 26e sur trente. Si ces dernières années ont été marquées par un réel engagement politique face au tabagisme, la volonté reste bien moins clair vis-à-vis de l’alcool.
David BêmeDes livres pour en savoir plus :Pour en Finir avec l’Alcoolisme. Réalités scientifiques contre idées reçuesDe Philippe BatelEditions La Découverte213 pages
Prix : 16 euros
Femmes et dépendancesUne maladie du siècleDu Dr William Lowenstein et Dominique RouchEditions Calmann-Lévy248 pagesPrix : 19 €Click Here: Fjallraven Kanken Art Spring Landscape Backpacks