Cette semaine débutent à huis clos des négociations sur un accord de libre échange entre l’Inde et l’Union Européenne. Un accord qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l’accès aux médicaments de milliers de patients vivant dans les pays en voie de développement. Face à ce risque, plusieurs associations se mobilisent, comme Médecins sans Frontières et Act Up.
Depuis 2000, l’ouverture à la concurrence et la production de génériques en Inde ont accéléré la baisse du prix des antiviraux de première ligne utilisés
contre le sida. Mais malgré cette évolution, seul un tiers des séropositifs dans le monde ont actuellement accès à un traitement. De plus aujourd’hui, les accords de libre échange entre l’Inde et l’Europe pourraient remettre en cause cette évolution. Des discussions formelles s’ouvrent cette semaine entre négociateurs européens et indiens à Bruxelles. L’Union Européenne a indiqué vouloir conclure l’accord de libre-échange avant le sommet UE/Inde en octobre prochain.
On sait en effet que la Commission va plaider en faveur d’une augmentation des standards de propriété intellectuelle (extension de la durée des brevets au-delà de 20 ans, exclusivité des données…) et de certains moyens de mis en oeuvre pour la faire respecter (suppression de la présomption d’innocence aux douanes, augmentation du nombre de saisies aux frontières, etc.).Selon Médecins sans Frontières, “Ces mesures, que l’Europe tente aujourd’hui d’imposer à l’Inde, interviennent après une série d’incidents récents. Des médicaments génériques indiens ont été en effet mis sous séquestre alors qu’ils transitaient par l’Europe vers d’autres pays en Amérique latine, en Asie et en Afrique“.Médecins Sans Frontières, dont 80 % des médicaments contre le sida utilisés dans ses projets proviennent d’Inde, s’inquiète donc que certaines dispositions de l’accord puissent avoir des conséquences dramatiques pour l’accès aux médicaments de milliers de patients vivant dans les pays en voie de développement. “Certaines dispositions de l’accord affectent la libre concurrence entre compagnies produisant des médicaments génériques, et donc l’accès aux médicaments pour des milliers de personnes“, précise Michelle Childs, Responsable du plaidoyer pour la Campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF. “Nous continuerons à nous battre jusqu’à ce que le ministre indien du Commerce et le Commissaire européen au Commerce s’engagent publiquement à retirer ces dispositions de l’accord“.
Dans le bidonville de Mathare, où MSF gère un programme de prise en charge du sida. Le personnel médical et les patients donnent leur avis sur l’impact qu’un tel accord pourrait avoir pour l’accès aux médicaments.“Ne faites pas passer les bénéfices avant les patients. Cet accord commercial ne doit pas saper, au nom du libre-échange, la capacité de l’Inde à fournir des médicaments permettant de sauver la vie des personnes atteintes du VIH/SIDA en Inde et ailleurs“, a indiqué Loon Gangte, Président du réseau des séropositifs de New Delhi (DNP+).Act Up-Paris exige que “l’Inde choisisse de défendre les malades et que la commission européenne renonce immédiatement à ces négociations, et qu’elle cesse de se targuer de sa contribution au Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour justifier des accords inacceptables qui mettent en danger la vie de millions de personnes“.
Luc Blanchot
Sources :Communiqué de presse – MSF – avril 2010Communiqué de presse – Act-Up – avril 2010Photo :Manifestation de personnes vivant avec le VIH / Sida – New Dehli, 12 mars 2010 – MSF